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Embrunman: plus dure fut la chute!...


Après environ deux semaines, il est temps de revenir sur cette expérience très riche en émotions que fut pour moi cet :

Embrunman 2013 !


La déception fut très grande et va sans doute demeurer présente un bon moment encore.

Entendons-nous bien, il ne s'agit évidemment que de sport et il y a des sujets bien plus essentiels. De nombreuses personnes n'ont pas la chance de pouvoir s'adonner à ce type de loisir, parce qu'elles ne sont pas en bonne santé, rencontrent dans leur vie des épreuves bien plus importantes et douloureuses,... Et même dans ma vie, que je considère comme privilégiée, il y aura des difficultés bien plus graves...C'est en tout cas ce que me dicte la raison... mais cette aventure était plutôt affaire de passion et la digestion sera ainsi tout de même lente !...


D'abord parce que je suis conscient des sacrifices que représente une telle préparation pour ma famille.


Ensuite parce que, s'il me sera évidemment possible de retenter l'aventure, il n'est pas du tout évident que je puisse me présenter à nouveau sur la ligne de départ dans un tel état de forme.

En effet, je n'avais jamais accompli une telle préparation, sans rencontrer la moindre blessure. Au cours du mois de juillet, c'était carrément des semaines à 30 heures d'entraînement, avec une première séance chaque jour de 5h à 8h, avant le lever du reste de la famille, puis une autre dans la journée...

...je souhaitais vraiment être un « embrunman » !...


J'avais nettement progressé en natation, notamment en terme d'aisance respiratoire, et réussi à trouver une nage économique, « propre », bien que toujours peu rapide.


Les trois sorties de repérage effectuées sur le parcours vélo de la course m'avaient par ailleurs nettement rassuré, puisque je m'y étais senti bien à l'aise, malgré mon absence d'expérience en montagne.


Je comptais ensuite énormément sur la partie finale-course à pied. J'avais en effet pu suivre l'intégralité d'un plan marathon en 2h30, en respectant tous les chronos de fractionné, à raison de 6-7 séances par semaine.... Un potentiel qui restera inexploité !...


Enfin, et c'est probablement le plus compliqué pour moi, j'avais réussi à m'affûter efficacement et à atteindre un rapport poids-puissance inédit pour moi auparavant.

Bref, physiquement j'étais vraiment prêt !


La veille de la course cependant, la tension était bien présente et je ne parvins à trouver le sommeil qu'une heure ou deux, pas plus,...

Cependant au matin même de la course, au moment d'avaler le classique gatosport de 4 h du mat', je me sentais enfin libéré et prêt à en découdre. Plus de stress négatif mais de la satisfaction et énormément d'envie à me lancer enfin dans l'aventure !


5h50, c'est l'effervescence dans l'aire de départ. Les femmes et les handisport s'élancent à l'eau. La foule est très nombreuse, massée tout autour du plan d'eau. Il fait encore nuit et l'atmosphère est vraiment particulière.






6h c'est parti ! Les fauves sont lâchés et s'élancent en courant sur la petite plage de fins galets. Nous nous jetons littéralement à l'eau ! A 1500, avec une zone de départ assez étroite, la bousculade et le bouillon dans l'eau sont énormes !...On se nage les uns sur les autres, ça secoue, ça brasse dans tous les sens !... Je me rends compte que quelques concurrents sur la droite sont en train de marcher pendant qu'à gauche, on nage... je les imite, reprends pied et cours quelques secondes dans l'eau afin de m'extirper de ce tumulte, puis me relance parmi la foule !.... Après 260 mètres, nous arrivons au virage de la première bouée. Là encore la bousculade est importante !...pied ou main dans la tête, nageur à droite, à gauche, au dessus !...nous évoluons vraiment les uns sur les autres !....

240 mètres et voilà la seconde bouée,... même effervescence, mais je la vis de mieux en mieux.... Il n'y a pas de geste agressif,...l'étrange sensation des combis qui glissent les unes sur les autres et la situation m'amusent même...je nous imagine comme des têtards agglutinés les uns sur les autres, tous vêtus de nos combinaisons noires !....


Une grande ligne droite de 500 mètres me permet de m'installer dans une nage appliquée et plus tranquille. Je me réserve au maximum et ne force vraiment pas, en cherchant à être fluide.


A l'arrivée à la troisième bouée, c'est à nouveau la pagaille. Le peloton s'est par erreur dirigé dans le noir vers la bouée de sortie de virage, sur la gauche. Nous nous rendons compte que la bouée d'entrée de virage est bien plus à droite et c'est un brusque mouvement collectif qui nous ramène tous vers elle.

Je sais que nous sommes alors tout au bout du plan d'eau et que nous avons ici environ parcouru 1km.

La très longue ligne droite de 800 m nous ramenant vers le départ me permet à nouveau de nager bien relâché, sans essoufflement.

A l'approche de la bouée, j'aperçois un bonnet siglé embrunman en train de couler au fond sous moi !...Je vérifie qu'il n'y a pas de tête dedans et me reconcentre pour aborder le second tour !

C'est reparti pour le circuit des bouées. Tout au bout, à la n°3, je sais qu'il reste désormais environ 1km. Tout va bien...une petite crampe me saisit pourtant le pied,...mais je parviens à la faire passer aussitôt en me relâchant au maximum.


Le jour est désormais levé. Les 500 derniers mètres s'effectuent enfin toujours avec ce soucis d'économie et j'en termine avec ces 3800 mètres....autour de la 890 ème place...


Je n'ai aucune idée du temps écoulé (1h17 en réalité) et me lance dans la transition. Je défais d'abord aisément la combi tout en avalant une barre énergétique... tout à la fin, blocage sur le pied droit !...je force, je force ça ne vient pas, c'est très court en réalité, mais ça me paraît durer une éternité !...voilà !, ça y est ! ...J'enfile l'intégralité de la tenue de vélo et m'élance en décidant d'enfiler les gants tout en poussant le vélo !...erreur !... je zigzague dans tous les sens au lieu de prendre 15 secondes pour les enfiler simplement !... Ne pas confondre vitesse et précipitation !...


Un arbitre me fait remarquer que mon dossard porté devant devrait être derrière...ça sent le débutant !...Je cours enfin vélo à la main et passe devant mon formidable petit club de supporters !...c'est parti pour le vélo !...

Le parcours commence directement par de bien raides côtes. Je me renseigne auprès d'un concurrent pour savoir en combien de temps nous avons nagé. Il m'annonce 1h17 de nage et 6' de transition. Bien mieux que ce que j'avais programmé...c'est bon, ça !....


Les premiers kilomètres nous proposent donc directement de grimper au-dessus d'Embrun avec même un petit passage fort sympathique qu'on m 'annonce à 12-13% !.... Je remonte doucement le peloton et gagne quelques places. J'ai reconnu ces 45 premiers kilomètres et je m'y sens bien. La route en corniche surplombe le lac, cerné par les montagnes alentours,....la vue est superbe.

De petits nuages de brume s'élèvent des eaux du lac, mais le ciel s'annonce dégagé.


Première grande descente ensuite, où là, je me fais sans surprise doubler un peu, ..mais raisonnablement....je ne suis vraiment pas casse-cou, ni adepte des trajectoires tendues !... Je rigole même un peu tout seul dans une courbe en constatant que je sors « un poil large », comme on le lirait dans Joe Bars Team !...


Nous rejoignons à présent la grande route nationale et abordons une partie moins accidentée. Je me place bien en appui sur le guidon de triathlète et reprend ma remontée. Nous traversons le lac sur le point de Savines et terminons la première boucle en direction d'Embrun.

A la fin des ces 40 premiers kilomètres, nous quittons la partie que j'avais reconnue et nous élançons dans l'inconnu. La prochaine grosse difficulté ce sera l'Izoard !


Nouvelle positive : je parviens très bien à m'alimenter et à boire. Ayant souvent souffert de problèmes digestifs en trail, j'ai décidé de ne prendre aux ravito' que des bidons d'eau et d'y dissoudre moi-même ma poudre énergétique. Je garde ainsi la boisson que je connais et qui me réussit bien.... ça fonctionne à merveille jusqu'ici, mais ça finira par me coûter très très cher !...


Nous arrivons à Guillestre, que nous contournons pas la droite. Dans une montée, je déraille et dois m'arrêter pour remettre la chaîne à la main....légère inquiétude, je n'aime pas ça du tout !....Je crains depuis des mois n'importe quel problème technique en étant parfaitement conscient de mes lacunes importantes en matière de bricolage !...ouf, je repars !...


A la sortie de la ville, la vue est à nouveau sublime et le paysage beaucoup moins urbanisé. La chaîne enneigée du massif des Ecrins se détache sur la gauche et nous pénétrons dans le Parc National du Queyras. Nous abordons les gorges très encaissées du Guil.

La falaise s'élève sur notre droite et le ravin plonge sur notre gauche. Nous passons à travers la falaise, par différents petits tunnels. Ces gorges sont magnifiques et très encaissées. Soudain, une petite cascade tombe sur la route depuis la falaise et nous apporte un petit souffle de fraîcheur.


La brèche se resserre et nous arrivons à un petit lac formé par un barrage sur le Guil. Nous voilà donc maintenant tout au fond de la gorge, longeant le torrent.

Sur cette route, toujours en faux plat montant ou descendant, il faut en permanence toujours penser à relancer et je continue à bien m'hydrater.

Quelques très raides lacets aux abords d'un monument aux morts semblent prévenir que les choses sérieuses arrivent !... Enfin voilà la fameuse jonction entre la D902 et la D947...nous tournons à gauche direction « Col de l'Izoard » qu'on nous signale « ouvert » :...ça tombe bien !


Je suis vraiment à l'aise et commence à doubler bon nombre de concurrents. Je me décide à les compter me donner confiance. Arrivé à peine au quart de l'ascension, j'en ai déjà doublé 100 et j'arrête ce petit jeu de comptage ridicule! Un coureur est allongé sur le bord de la route. Il fait un malaise mais les pompiers s'occupent déjà de lui...


Je continue à doubler, doubler,...Assis sur la selle je double tranquillement,...en danseuse, je suis encore mieux et double de plus belle, toujours en moulinant au maximum,... sans aucune souffrance....sans doute un avantage des cuisses de trailer !...

Nous traversons Arvieux, La Chalp, Brunisssard, la pente est raide et quelques coureurs mettent pied à terre....

Un autre est allongé les yeux fermés sous un sapin,...En passant je lui demande si ça va et il me tend un pouce dressé vers le haut sans même ouvrir les yeux !...on va dire que ça va !



Je n'en finis plus de doubler et je me demande si c'est bien normal. Je pense «  attention à ne pas se griller ! »...mais j'observe bien les concurrents que je double et ils ne m'apparaissent pas s'économiser ...ils peinent alors que je ne suis pas essoufflé ni en souffrance musculairement.

Je ne pense pas du tout manquer de prudence et je passe vraiment un excellent moment, tant physiquement qu'au niveau de la relation aux spectateurs et au paysage. Nous arrivons à la Casse Déserte, zone finale de l'ascension, très minérale, faite d'éboulis rocailleux, de cheminées pierreuses, sans végétation...un paysage lunaire et désertique.




J'arrive au sommet....km 98,7... Nous avons parcouru la moitié du parcours vélo, dont la principale difficulté....Pas besoin de m'arrêter et je m'engage directement dans la descente autour de la 140 ème place.


Les premiers lacets sont très serrés. J'y suis techniquement à la peine...je relâche trop tard les freins en sortie de virage,.... je suis un peu crispé et je me dis que si toute la descente se déroule ainsi, je vais souffrir !....quelques coureurs me doublent d'ailleurs...





La descente se fait plus facile et je me détends un peu...Dans une grande ligne droite, j'atteins même la vitesse de 85 km/h....et il y a plus rapide devant moi !....Les kilomètres défilent très rapidement et nous approchons de Briançon.


Un camion de pompiers est sur le côté de la route et j'aperçois un coureur tout le côté droit en sang y pénétrer !...aïe aïe, aïe !...j'ai mal pour lui !


Je constate alors que je suis à plus de 25 km/h de moyenne depuis le départ. C'est vraiment bien mieux que ce à quoi je m'attendais et j'ai vraiment l'impression que mon potentiel physique et mental n'est pas entamé. Je me dis néanmoins de ne pas m'enflammer. Il reste trois bonnes montées, certes bien plus petites que l'Izoard, mais tout de même...puis un marathon ! …

Les entraînements étaient excellents à pied, c'est ma spécialité, mais comment réagirais-je après le vélo ?...Restons lucide, pensons à bien manger, bien boire !... Ma traversée de Briançon s'effectue correctement, contrairement à celle du pauvre Australien sorti en tête de la natation qui s'y fourvoie!...


La route est désormais plus plate et je reprends ma remontée au classement. Voilà un nouveau ravitaillement. Je continue mon système de prendre un bidon d'eau, de l'ouvrir et tente d'y mettre ma poudre. Dans ce petit hameau, le revêtement est très mauvais. Je tape un trou, ma roue arrive dans une zone de bitume chaud tout fondu et c'est la chute !...

Tout s'effondre, je me vois passer en un dixième de seconde de l'espoir à la fin d'un rêve.

Je suis égratigné à droite, sur la cuisse, la jambe, la hanche, le coude,...rien de bien grave, pas de douleur. J'ai les jambes et un bras parsemés de petits graviers bitumés bien incrustés...j'en retrouverai même le soir dans mes oreilles et mon nez !...

Le guidon n'est plus dans l'axe, la cocotte droite abîmée, la roue arrière bloquée....Un spectateur se précipite pour m'aider... visiblement bien plus doué que moi, il redresse ma roue arrière et me dit que c'est remis !...Je reprends espoir !...Il m'aide également à remettre le guidon dans l'axe et veux démonter ma cocotte pour la remettre droite.

Un arbitre à moto arrive alors et demande sèchement ce qu'il se passe. Mon bon samaritain lâche la clé allen. Je lui explique que je suis tombé. Il rétorque « ce n'est pas à lui de réparer votre vélo ! »...je fais profil bas, lui dis qu'il a raison et lui présente mes excuses...il se déride un peu... Mon sauveur me dicte les actions à mener, mais ça ne marche évidemment pas et je décide de repartir comme ça.


Malgré son allure étrange, la poignée me permet de freiner et de changer les vitesses. Je recommence à doubler et me dis que je suis un miraculé !... Après deux kilomètres nous abordons une nouvelle raide montée. Je passe une vitesse,...une seconde,... une troisième et là énorme bruit !... , la roue se bloque !....je m'arrête, observe, voit le dérailleur remonté en plein milieu de la roue et la chaîne tout emmêlée dans les rayons. La patte de fixation est cassée et je vois tout espoir s'envoler à nouveau, pour la seconde fois en moins d'un quart d'heure !...


Un nouvel arbitre surgit alors et me demande ce qu'il se passe. Je lui explique et lui rends mon dossard. La sentence tombe. Il annonce dans sa radio « Dossard 812, km 127, abandon »...un verdict sec, définitif, qui fait mal, très mal,...


Un couple de spectateurs me vient néanmoins en aide avec une solidarité que j'ai souvent retrouvée au cours de mes randos ou courses en montagne. La rudesse de l'environnement engendrerait-elle une forme de solidarité ?... Toujours est-il que je n'aurai pas à attendre la voiture balai et qu'ils me ramèneront jusqu'à Embrun. Dans la voiture, c'est la tempête des sentiments. Je suis pris entre une forme de rage et une profonde tristesse. Je m'en veux d'avoir fait cette erreur idiote. Je me sens vraiment minable. Je repense à Lubin qui me parle depuis longtemps de « passer la ligne d'arrivée sur mes épaules ». L'idée de le décevoir, de nous priver de ce moment m'étreint le cœur et je suis tout proche des larmes. Je baisse la tête et tombe sur la jolie robe tachetée de noir de mes jambes ! Un vrai marsupilami !... cela fera au moins rire Lubin qui aime beaucoup ce personnage!

Je tente de me raisonner, de relativiser cette profonde déception en pensant déjà au positif de cette aventure...au plaisir pris, aux promesses affichées,... mais c'est dur !....


Le couple me dépose à environ un kilomètre du parc à vélo où je dois retourner chercher mes affaires. Nouvelle erreur de débutant, j'effectue ce kilomètre le vélo sur l'épaule, mais pieds nus pour ne pas abîmer mes chaussures de vélo flambant neuves. Grosse boulette : le bitume brûlant m'occasionnera deux énormes ampoules sous chaque pied....il fallait bien quand même que cet Embrunman me laisse quelques douleurs physiques !....


Je dois passer sur la ligne d'arrivée avec mon vélo sur l'épaule, le coude en sang, les roues et les chaussures dans l'autre main... Le spectateurs des tribunes semblent comprendre ce qui m'arrive...il faut dire que je ne dois pas avoir ma tête des bons jours !...Ils se mettent à applaudir et à dire « Bravo ! »... Je passe ainsi sur les tapis bleus d'arrivée sous les applaudissements... Un petit final digne de Rasta Rocket !....


Je retrouve alors les miens ce qui me réconforte évidemment. Il est maintenant temps d'analyser tout cela, d'en dresser le bilan et de réfléchir aux perspectives pour la suite. Il est clair que j'ai apprécié ce type d'épreuve, mais que l'aventure m'apparaît inaccomplie, avec un goût évident d'inachevé !





27/08/2013
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