raid-is-greg

raid-is-greg

La Diago': Acte 2: ça va mal!

La montée du Taïbit est effectivement difficile...et très longue. La pente me paraît vraiment très raide, et ce sont de gros blocs, ou de hautes marches à enjamber...plus moyen de se dire:" je vais à un petit rythme régulier, sans m'arrêter, ni perdre de temps..." il n'y plus de retenue possible, c'est la pente qui dicte l'intensité de l'effort et il ne peut être qu'important! Je ne peux toujours pas me nourir correctement et je sens que je vais vraiment galérer. Mais je me suis préparé mentalement à cela et si je souffre physiquement, je l'accepte bien psychologiquement. Je vois bien que je vais dégringoler dans le classement, que le chrono ne sera pas terrible, mais je ne me focalise pas là-dessus...je ne suis pas là pour ça!...ce qui m'embête tout de même, c'est que ça ne revient pas, ce n'est pas un coup de bambou passager et je sens bien que sans parvenir à m'alimenter mieux, ce sera vraiment compliqué. Alors, j'ai le choix entre flirter constamment avec l'hypo, ou le brassage tortueux de l'estomac...enfin j'avais le choix, car la pente est si raide que je suis bien essoufflé et que je ne pourrais pas du tout monter avec des crampes au ventre. Soulagement, c'est le sommet et le passage vers l'îlet perdu au beau milieu de nulle part: Marla!

Je pointe en 22ème position. On me propose du riz-lentilles...au point où j'en suis, pourquoi pas! J'en avale quelques cuillères, mais je sens bien qu'il va falloir en rester là et je repars avec ma technique "doucement , mais sûrement". Nous franchissons une passerelle suspendue au-dessus d'un torrent, dans des gorges encaissées très sauvages...et Thierry Champy me redouble! Je suis un peu étonné, alors il me dit qu'il s'est arrêté dormir quinze minutes à Marla. Sebastien Chaigneau lui, y aabandonné, pour cause de tendiinite sur le releveur, cette même blessure qui provoquera l'abandon du pauvre Nico, très déçu...il n' y a pas que moi à souffrir!

Dans chaque petit îlet, c'est un accueil chaleureux qui nous est réservé, les gens nous attendent , applaudissent, nous souhaitent la bienvenue, jouent de la musique...toute l'île vit vraiment intensément cet événement, qui est une véritable institution ici.

A Marla, un supporteur particulièrement imbibé tente même de continuer à m'applaudir à reculons quand je repars et il se prend une pelle phénoménale qui provoque l'hilarité générale et la reprise de la musique de plus belle. Fin de la rigolade et entrée dans la partie très très très délicate de la course. Si la première partie avait vu de très longues montées et descentes se succéder, dans cette deuxième partie, c'est plutôt une alternance très cassante de montées-descentes bien raides. Nous arrivons en haut d'une sorte de canyon et j'aperçois, en bas, des tentes bien alignées!..."Génial un ravito'!", ça tombe à merveille, il fait vraiment très chaud. Je vide mes gourdes, pensant les remplir dans 10 minutes et me lance dans la descente...nouveau franchissement et là, c'est le drame, ce n'était pas un ravito'!...seulement un poste de secouristes et donc je n'ai plus rien à boire! J'entame alors un véritable calvaire. La montée de la Roche ancrée est particulièrement raide...je suis hyper essoufflé, le coeur ne palpite pas trop mais la respiration s'emballe complètement, j'ai une sensation très désagréable d'oreilles complètement bouchées qui fait résonner ma respiration très fort dans ma tête, ce qui me poursuivra dans toutes les montées raides, c'est-à-dire toutes les montées, jusqu'à la fin,...toujours pas moyen de gérer un effort moindre, car la pente est trop abrupte...de plus si je m'arrête les crampes arrivent, alors qu'en marchant je n'en ai pas. Je regarde le sommet qui ne me semble jamais arriver, si haut...un hélicoptère tourne au-dessus de ma tête comme les vautours dans Lucky Luke!...Je me relance sans arrêt, mais c'est vraiment atroce...et pourtant mentalement je ne sombre pas, je réussis à penser à des choses positives, à penser à la chance que j'ai d'être là. Mais je n'ai jamais autant souffert physiquement...je sens bien que je n'ai plus du tout de force dans les jambes...plus une réserve d'énergie...quand j'arrive enfin en haut, un papy réunionnais très sympa m'annonce que je suis 35ème! Si tu savais comme, c'est anecdotique!...

Un peu plus loin à un ravito', on m'annoce que nous avons parcouru 95km... coup de bambou...j'espèrais bien en avoir fait plus!...en même temps le chrono affiché et le rythme auquel j'avance me laissait bien présager que j'étais encore loin de la fin du périple. Problème: je ne connais pas du tout le parcours et n'ai pas bien potassé le road-book. Certains savent très bien combien il reste, quelle côte va arriver à quel moment, quel ravito',...moi je pars un peu trop à l'aveuglette à chaque fois! La suite est une succession de montées-descentes, marches-blocs -franchissement de ravines...Après Aurère, il fait de nouveau nuit et il faut ressortir les frontales. Après avoir franchi cinq fois le même torrent en 2 kilomètres, joliment éclairés de petits bâtonnets-lucioles, nous approchons du ravito' de Deux-Bras...et là surprise, excusez-moi pour le manque de classe, mais voilà que je vomis sans même avoir vu le truc venir! En même temps, je suis plutôt mieux après, j'ai moins mal au ventre...mais ça ne me réconforte guère sur l'état à venir de mes réserves énergétiques!...Je pointe cette fois à la 46ème place, la dégringolade continue, mais je continue à me dire que l'objectif pour moi est d'arriver au bout, et seulement ça!...Jamais envie d'abandonner comme ça arrive parfois, dans des conditions bien moins extrêmes...

Je ne sais plus trop où on en est, ce qu'il reste... j'avais vaguement espéré qu'on était plus très loin...erreur! et de taille!...les bénévoles me montrent une gigantesque montagne devant nous, dans l'obscurité: il faut monter à Dos d'âne, tout là-haut, et il me précise "au moins deux heures de montée!"

Nouveau calvaire, je n'ai plus du tout de force, je cherche minablement à attraper n'importe quelle pierre, n'importe quelle racine pour gravir les énormes blocs de cette montée, parfois presque à quatre pattes!... Toujours les mêmes problèmes d'essoufflement, d'absence de ressource, mais toujours la volonté d'aller au bout...je suis même étonné, de ne pas me décourager. Je suis  obligé trois-quatre fois de m'assoir sur une pierre, la tête entre les mains et de faire des genres de mico sommeil de cinq secondes...et je repars...cette montée n'en finit pas...on se trompe même de chemin un moment, au tout début,...on n'aperçoit pas du tout le sommet dans le noir et impossible de savoir où nous en sommes! Finalement nous arrivons enfin à l'église de Dos d'âne, où je pointe en 56ème position! A ce moment pourtant le chrono n'est pas si mauvais et je me dis qu'avec tout ce qu'on a déjà traversé, il y aura peut-être un passage un peu plus facile, où je pourrais relancer, sachant qu'il reste une très longue descente sur la fin ce qui m'a plutôt réussi jusque là. Seulement avant de descendre il faut rejoindre et parcourir entièrement une crête. Il y a un brouillard épais qui gêne fortement la visibilité, qui plus est de nuit, à la frontale, et qui rend trempées et glissantes les racines et marches en bois sur lesquelles nous évoluons....avec le ravin des deux côtés , pas du tout question de retrouver du rythme là-dedans!...je me perds même à nouveau et met un peu de temps à retouver le juste chemin!

C'est l'arrivée au kiosque d'Affouches, où on m'informe qu'il ne reste plus que 13 km, dont beaucoup de descente. Aved quelque espoir, je bois bien et me lance dans la descente, qui commence par une portion large de piste forestière...et là, à nouveau pardon, mais en 2km, à nouveau 5 vomissements. Je sens tout le liquide de mon corps me quitter et l'effet est immédiat et garanti: les cuisses sont hypers dures, à la limite de la crampe, plus aucune force, si je tente de courir, des douleurs violentes apparaissent vers le foie,...c'est pas bon! Du coup je mettrai plus de 3h30 à faire ces 13 derniers kilomètres..en me faisant doubler par trente mecs! Et quand ils passent pas question de répondre, je ne peux quasiment jamais courir,...en marchant ça va bien au niveau du souffle, mais mes jambes se bloquent! Je me dis allons-y pour gagner l'arrivée ainsi! Une petite peur tout de même, en voyant tant de gens passer, sans les compter, je me dis "je vais finir par ne même plus être dans les cent premiers!"...ce serait dommage, mais ç'est très loin de m'affoler et je me dis que je ne sais même pas comment j'ai réussi à la finir! Et puis, j'ai trouvé ce que j'étais venu chercher: une formidable aventure que j'ai vécu vraiment très intensément, en découvrant et apprenant énormément de choses. Que j'ai paradoxalement mieux vécu psychologiquement que d'autres courses plus réussies , parce que j'ai le sentiment qu'elle m'a apporté beaucoup plus, bien plus qu'une simple réussite sportive narcissique et superficielle.

Cette dernière descente est néanmoins très longue à se terminer. On contourne de nombreux blocs, en croyant toujours s'approcher, puis on s'aperçoit que la ville de St Denis est toujours aussi basse, sous nos pieds, et qu'on n'y est pas encore!

Enfin c'est l'arrivée sur le stade, 200 petits mètres sur la piste et la remise de la médaille...le temps de se poser dans l'herbe et de récupérer...

Voici les étapes:    Date         temps de       km     altitude     place      place dans

                             et heure    course                                                  ma catégorie

Saint Philippe - Cap Méchant

23/10 00:00

0h00mn00s

0km

17m

Le Volcan-Plaine des Sables

23/10 04:05

4h05mn07s

30km

2320m

13ème

11ème

Mare à Boue

23/10 06:10

6h10mn56s

50km

1594m

15ème

12ème

Gîte du Piton des Neiges

23/10 08:41

8h41mn30s

62km

2484m

18ème

14ème

Cilaos Entrée

23/10 09:42

9h42mn35s

69km

1224m

12ème

11ème

Cilaos Sortie

23/10 09:46

9h46mn48s

69km

1224m

12ème

10ème

Pied du Taïbit

23/10 11:14

11h14mn20s

76km

1260m

13ème

11ème

Marla

23/10 13:13

13h13mn31s

82km

1580m

22ème

15ème

Trois Roches

23/10 14:46

14h46mn59s

89km

1220m

28ème

17ème

Roche Plate

23/10 16:04

16h04mn20s

95km

1110m

35ème

20ème

Grand Place

23/10 18:37

18h37mn30s

103km

540m

38ème

21ème

Aurère

23/10 21:09

21h09mn53s

112km

750m

43ème

24ème

Deux Bras Entrée

23/10 22:55

22h55mn19s

121km

255m

47ème

27ème

Deux bras sortie

23/10 23:07

23h07mn10s

121km

255m

46ème

26ème

Dos d'Ane Stade

24/10 02:09

26h09mn21s

128km

1064m

59ème

33ème

Le Colorado

24/10 07:21

31h21mn55s

142km

680m

78ème

35ème

Redoute Ligne d'arrivée

24/10 08:33

32h33mn43s

147km

53m

88ème

38ème

 



25/10/2009
19 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 22 autres membres