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L'UTMB: dernière partie!


Voilà la partie la plus difficile pour moi qui commence. Nous sommes encore dans le brouillard et sous la neige.

A l'amorce de la descente je rate une espèce d'énorme marche en pierre et mon talon heurte violemment le sol. L'onde de choc me remonte dans tout le corps et je ressens une douleur intense à l'accroche du psoas dans le bas du dos. Ce muscle me posait problème depuis longtemps et je me doutais bien qu'à un moment ou un autre de la course il se rappellerait à mon souvenir! Pas de mystère: quand on s'engage dans ce type de course avec une petite douleur au départ, cela se paye forcément !


Je continue, mais j'ai du mal à chaque levée de genou. La douleur va rester intense jusqu'aux Contamines, puis elle se fera plus sourde... présente, mais moins vive...


Nous arrivons en outre dans un passage très technique qui n'est vraiment pas ma tasse de thé...de gros blocs rocheux soit acérés, soit au contraire ultra polis...le tout rendu bien glissant par la pluie et la neige fondue....

J'avance prudemment et maladroitement dans ce terrain piégeux...comme d'habitude je suis gêné dès que je ne peux plus allonger la foulée un minimum...et là, je ne peux vraiment avoir aucune amplitude, du fait de la combinaison de la douleur au psoas et des chausse trappes du terrain.


Sur une suite de grosses pierres trempées en escalier, je vois le concurrent espagnol me précédant poser le talon sur une grosse dalle bombée, déraper et partir en glissade un peu plus bas, à plat dos !


Il se relève et repart et je m'engage à mon tour dans cet étroit goulet...et zip !... exactement la même ! Mon dos heurte le rocher, mais celui-ci occasionne heureusement plus de peur que de mal. Je repars à mon tour, mais me montre encore moins téméraire par la suite.


Je poursuis alors la descente et plusieurs concurrents me doublent au cours de celle-ci dont Fred qui prend sympathiquement de mes nouvelles avant de s'envoler. Je ne suis pas au mieux et me retrouve finalement seul pour la fin de la descente.


Dans celle-ci ma lampe frontale se met à clignoter. C'est la première fois que je m'en sers, mais je crois deviner que cela signifie que la batterie n'en a plus pour longtemps !... En effet j'ai bien l'impression que sa puissance diminue et je continue tant bien que mal jusqu'aux Contamines ainsi.


Arrivé à l'entrée du village, j'aperçois des concurrents qui repartent du ravito' pour leur premier passage aux Contamines.... Nous devons nous tout contourner en redescendant sous le village puis en remontant par l'autre côté.


Lorsque je repasse donc dans les stands du ravito', je me précipite sur ma frontale de secours, prends un bon bol de soupe et m'apprête à repartir. Mais pas moyen d'allumer cette seconde frontale ...je l'ouvre, modifie le sens des piles et réessaie...toujours pas...mini-panique... je multiplie les essais sous les yeux amusés d'une spectatrice espagnole.


Enfin cela fonctionne et je peux repartir ! Je suis 61ème...j'ai doublé dans la montée, je me suis pas mal fait doubler dans la descente,... mais avec le jeu des abandons devant, je n'ai perdu que trois places.

Cela fait maintenant 6h10 que nous sommes partis et je commence déjà à faire des calculs dans ma tête pour savoir dans combien de temps il fera jour...cette obscurité me pèse...


La montée suivante sera la moins réussie pour moi. Je paie sans doute différents facteurs: mon départ trop rapide, la concentration et la peur dans la descente précédente, le fait de descendre en arrière, contracté, qui me fait laisser plus de jus que je ne devrais dans ces descentes,...


Bref, je rétrograde à la 66ème place. Je partage néanmoins agréablement cette portion avec un coureur savoyard qui m'annonce que nous avons et que nous allons encore emprunter une bonne partie de la course de montagne ardue appelée « La montée du nid d'aigle »...sympa de prévenir !...


Je me récupère un peu dans la descente.


Je suis beaucoup mieux dans la nouvelle montée, d'abord relativement douce puis de plus en plus difficile pour finir vraiment raide. J'emmène un petit peloton et creuse l'écart au rythme de l'augmentation des difficultés. Je suis très bien et j'effectue une montée efficace. Au sommet j'ai semé mes partenaires et me lance dans une descente très raide et très boueuse...une vraie patinoire !

D'abord droit dans la pente, puis avec des lacets assez serrés dans la forêt. Depuis le sommet, j'ai aperçu les faisceaux des frontales de trois coureurs devant moi ...ils descendent visiblement très bien et je m'efforce de suivre leur rythme. Ils sont plus relâchés que moi et forcent beaucoup moins mais je lutte, à la fois musculairement et en terme de concentration pour suivre leur tempo. Au final, j'effectue une bonne descente, coûteuse d'un point de vue énergétique et musculaire, mais rythmée.


Nous arrivons au nouveau ravito' . Un des trois coureurs, anglais, avait pris une petite avance. Tous les trois s'arrêtent. J'attrape un bol de soupe et repars aussitôt. Deux des coureurs restent là et je récupère le troisième à la sortie du village. Les bénévoles ont eu le temps de nous prévenir qu'il y avait un fléchage flou et trompeur dans la montée suivante. Méfiage !...


C'est en fait dans une longue, très longue montée de près de 6km sur route que nous nous élançons avec mon collègue anglais. De temps en temps des panneaux indicateurs nous indiquent un parc animalier ...et je passe mon temps à me méfier du fléchage et à me demander si on va aller ainsi jusqu'à ce fameux parc...toujours sur le bitume...


Les panneaux indicateurs assurent une forme de compte à rebours....parc animalier à 4km...à 3 km...à 1500m...voilà le parking....et finalement nous irons bien ainsi jusqu'au sommet ! Un peu long et monotone !


Une nouvelle période difficile arrive maintenant entre Merlet et Argentières. Une première descente dans laquelle je vais souffrir. Ma foulée est lourde, mon pied ne réagit pas au sol et s'écrase lourdement, sans aucun dynamisme...je suis en arrière, contracté et j'ai l'impression de ne rien voir des obstacles, pierres, racines,...qui encombrent notre chemin. Ma seconde frontale est-elle de mauvaise qualité ?...mes piles sont-elles de mauvaise qualité ?...ma vue elle-même est-elle de mauvaise qualité ?...toujours est-il qu'à chaque fois qu'un coureur me double, j'ai l'impression que son faisceau lumineux est deux fois plus puissant que le mien et qu'il est deux fois plus agile que moi!


J'avais pourtant travaillé cette technique de descente dans les derniers jours, en cherchant à être léger, aérien, penché vers l'avant, sur la pointe des pieds,...j'avais l'impression d'y être parvenu un petit peu, ce qui pour moi était déjà pas mal...mais là, à aucun moment je ne pense à appliquer ces principes, tant je subis le terrain.


D'une manière générale, le jour J de ma course n'est pas une réussite en regard des progrès et des promesses de l'été d'entraînement...mais je résiste tout de même assez bien...


Pour finir de me verrouiller la cheville, ma douleur récurrente au tendon d'Achille droit est maintenant assez importante. Je maintiens bien dans les montées mais la descente est vraiment pénible.


Je ne partagerai plus aucune portion de chemin avec un coureur car dorénavant quand je double ou que je me fais doubler, la différence de rythme est telle, dans un sens ou dans l'autre, que nous ne restons pas ensemble !...fini les rencontres!


Un nouveau problème se présente alors...le ravito' d'Argentières était annoncé au kilomètre 93 et je ne le vois pas arriver !....Des panneaux indicateurs m'indiquent Argentières sur la droite, mais la rubalise nous envoie à gauche...je vois les kilomètres défiler, défiler, défiler sur mon GPS et toujours pas de ravito',...


Kilomètre 92, nous amorçons une longue et très raide côte...je me dis que le ravito' est juste là... tout proche...mais la montée n'en finit pas...

Je me maintiens malgré tout assez bien, gagne quelques places et revoilà une descente dans laquelle ma technique défaille tout autant que dans la précédente! Je perds à nouveau énormément de temps et quelques places dans cette longue descente.


J'en suis désormais à 96 km et je finis par me demander si je ne suis pas déjà sur la route de Chamonix, ...un ravitaillement aurait-il été supprimé?...ce serait étonnant tout de même !...


Heureusement nous traversons tout de même des paysages agréables...une belle forêt que l'on distingue enfin puisque le jour se lève..un petit pont sur un torrent,...


Je suis seul avec mes doutes et voilà enfin que nous arrivons à une route avec des spectateurs qui agitent des énormes cloches de vache.

Je vais pouvoir leur demander où nous en sommes, s'il y a un ravito' bientôt ou si je me dirige vers l'arrivée...mais à mon passage impossible de leur parler !...Ils agitent leurs énormes cloches comme des fous furieux et le vacarme est assourdissant !...je fais un petit geste pour signifier que j'aimerais leur parler mais ils redoublent d'effort à un mètre de moi et m'explosent les tympans...je n'insiste pas et poursuis mon chemin.

J'avais programmé un ravito' bien plus proche et j'ai l'impression qu'il n'arrive jamais !...je sens que mes cuisses manquent d'eau et je n'ai plus rien...enfin la pente se fait moins rude et sur route ...je repars bien et double trois concurrents ...et voilà enfin le dernier ravitaillement à Argentières !...99 km sur mon GPS, au lieu des 93 annoncés...c'est peut-être un détail pour vous, mais sur le moment, pour moi, ça veut dire beaucoup!



Le temps de remplir les bidons de ranger frontale et gants et je ne m'éternise pas. Je m'élance dans la dernière section direction Chamonix.

Cette partie est assez facile, sur un terrain souple et peu accidenté. Mais je me fais un peu endormir par le trafic. Nous sommes désormais sur une section commune avec les arrivants de la CCC (course de 98km) qui sont partis depuis maintenant près de 24h. Ils sont très nombreux et finissent en marchant.


Je me contente un peu bêtement de doubler en trottinant doucement. Je suis sans doute un peu trop pépère et me fais doubler par quelques coureurs de l'UTMB. J'en double aussi mais beaucoup moins...peu importe,... je savoure la fin de cette aventure,...


Il y a sans doute quelques regrets à avoir sur cette fin de course, car j'étais encore assez frais, assez à l'aise en dehors des descentes techniques,.... il fait pourtant désormais jour,...mais je ne donne pas vraiment tout...


Il faut dire aussi que je suis encore dans le doute !...car avec 99 km au compteur à Argentières, je ne sais plus vraiment combien il en reste....Finalement à l'arrivée, mon GPS m'indiquera 109,7 km au lieu des 103 annoncés.


Voilà enfin que je distingue au loin le téléphérique de Chamonix sur les flancs de la montagne à droite... Nous sommes tout proches...j'entre dans la ville, passe entre les ganivelles,...


J'aperçois Manuella et Lubin sur le bord de la route...Réjouissante vision...Je ne les avais plus vus depuis le départ et je ne savais pas s'ils pourraient être là à l'arrivée ! Je tends la main pour taper dans celle de Lubin et poursuis,...


Manuella me dit de le prendre dans mes bras,...je n'osais pas trop, car je craignais qu'il prenne peur au milieu du public, ...mais en même temps, j'en ai bien envie !...


Je fais donc demi-tour et reviens sur mes pas ...et là, je croise le regard d'un coureur une petite centaine de mètres derrière moi...En me voyant, il se met à accélérer pour me doubler,... je prends Lubin dans mes bras et commence à lui expliquer que nous allons passer au milieu des spectateurs pour passer la ligne d'arrivée,...le coureur me double sans nous adresser un regard...sur le moment, je trouve un peu son attitude navrante !... Mais l'immense joie de serrer Lubin contre moi l'emporte très largement!


Je recommence à courir, mais nous sommes un peu loin de la ligne et je me rends compte que je suis en train de tremper Lubin, en le serrant contre mes habits imbibés d'eau !...

Nous passons donc à la version « sur les épaules ».


L'assistance n'est pas très fournie...il est 9h du matin et le premier est arrivé depuis longtemps, mais les applaudissements font tout de même du bien !


Nous passons la ligne... finishers !...aucune idée du classement sur le moment, je découvrirai plus tard que je termine 66ème en 14h11, et 22ème français....avec 2500 partants de 74 nationalités au départ...vraiment une course cosmopolite !


La distance et l'aventure ne correspondent pas vraiment à ce qui était prévu (166km), mais je suis satisfait car j'ai mieux su gérer émotionnellement les changements de programme qu'en 2010...

J'ai bien progressé physiquement, même si je n'ai pas réussi à bien placer mon pic de forme...la perf' finale est donc une mini déception. Malgré tout, j'ai progressé aussi dans l'organisation matérielle et je sais mieux me préparer à supporter l'alimentation en course, ce qui était longtemps mon grand souci.

J'ai bien géré mes ravito', sans perdre une seconde à chacun d'entre eux, et la manière d'affronter le mauvais temps,... J'ai en outre fait des rencontres sympas et apprécié une bonne ambiance sur le parcours...il y a donc du positif et des enseignements à tirer... il y a encore énormément de travail au niveau du dynamisme du pied, de la manière d'aborder les descentes et  la nuit!...



Quant à savoir si un jour j'accomplirais enfin le périple en entier...

Ravito collectif à l'arrivée!





13/09/2012
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